A la Lueur du Lampadaire !

Plumes d'Aspho 1: "cortège" au cimetière, matin de toussaint

 

 

 

Le thème du CORTÈGE, des Plumes à thème d'Asphodèle, a inspiré ce texte ci-dessous et ceux des autres participants à partir des mots suivants : funèbrelarmeribambellecheminementfleurmanifesterfoulecostumesrose (couleur ou fleur) – atmosphèresuccessioncarnavalpiquerbleutéattelageembaumerancoliecérémonietêtedéfilerabattre – (admirable) – acclamation.

 

 

CORTÈGE

 

"Une marche funèbre, là, juste dans ma rue.

 

Un groupe d'hommes exclusivement, dont certains ont la larme à l'oeil moins discrète, avance en désordre, le cerceuil voilé de vert intense porté à bout de bras et à l'épaule. Il avance lui-aussi, passe d'épaule en épaule tel une star de rock voguant sur la foule de ses fans. C'est en observant ce défilé, qui m'étonne - pas tant la raison mais la façon - que je remarque la ribambelle de gamins loin derrière, en tas, qui se bousculent entre eux, le regard tourné vers le cortège. Aucun d'entre ces gens ne sont en costumes sombres, plutôt en vêtement des tous les jours - certains sont débraillés.

 

Je n'ose m'aventurer dans la rue immédiatemment à leur suite ; je suis des yeux leur cheminement. 

 

Il n'y a pas une seule fleur.

 

Après les enfants, je m'élance... stoppée nette par la main de ma logeuse - bigre, elle a de la poigne ! Elle ne manisfeste aucune émotion, ne me parle pas non plus : elle secoue juste la tête. Pourquoi ? Je me dégage. Je vais défiler ! 

 

Discrète et intriguée, je suis piquée par la curiosité. Il n'y a pas d'acclamations ni de chuchotements ; si la rue n'avait sa propre voix, ce serait un silence de mort qui accompagnerait cette succession.  

 

Enfin, le cimetière, là, à l'ombre de grands ifs.

 

Des ifs comme dans mon petit village normand. Quelle étrange atmosphère qui embaume la sève fraiche de ces arbres ! Un nuage bleuté, une fine brume très spleen flotte, légers, enveloppant les pas dans une chape de plomb. Il semble faire froid dans cet acre de terre boueuse et constellée courtes colonnes de marbre gris. Des roses sauvages ont envahi les parcelles libres et le sentier qui ondule entre chaque stèle bombée.

 

Deux d'entre les hommes abattent sur leur passage les branches qui griffent la peau, déchirent le tissu et s'entremêlent aux jambes. La terre est déjà creusée - par qui, par où est-il passé ? Une longue bouche attendant sa pitance. 

 

Le cerceuil est enfin posé au sol ; au son - enfin - d'une psalmodie, il est déshabillé de son apparat puis ouvert ; le corps est soulevé - poids plume dans le giron ; il est déposé au fond du trou. Une planche de bois clair comme l'eau de roche, à peine plus vaste qu'un visage, aussi fine que des lèvres délicates, est soigneusement disposée à la suite.

 

Et sans plus de cérémonie, tous s'éloignent de la tombe encore vivante. Rapidement.

 

Seul le maitre de culte reste. Accroupi, les genoux dans l'herbe haute, la figure penchée, les paumes en coupe, je le vois murmurer. Parle-t-il au défunt ? Lui répond-il ? Il hoche la tête ; il sourit un peu. Je scrute aussi les enfants, éparpillés le long du muret, se hissant sur les orteils, et les autres, regroupés à plusieurs coudées, l'air concentré - en prière : il leur est naturel cette attitude surnaturelle. 

 

C'est là que... le religieux sursaute et s'écroule sur l'arrière-train. Là, juste devant... une silhouette ? Il jette un cri clair. J'en ai la chair de poule, les cheveux qui s'hérissent, le coeur en chamade. Que me joue mon esprit ? 

 

On accourt auprès de lui. Il s'apaise doucement bien qu'il n'est guère rassuré. Je vois bien qu'il tremble de tout son corps. Lui-aussi me voit bien ; me comprit-il ? Sourcils froncés, une grimace à la face, une frousse qui nous pousse à courir dans les muscles, le palpitant en mode accéléré, nous affichons un effrayant masque de carnaval.

 

Il a des ancolies dans les poings, pourpres et si précieusement taillées. Des vrais bijoux à décorer la poitrine d'une belle... Il me les tendit. Gentiment.

 

Je ne sais ce qu'il advient du cerceuil vide... attelage sans coursier..."

 

 

 

 ***

 

 

Une petite explication de contexte ? 

 

Un enterrement véridique que ma soeur a fait l'expérience - c'est pas du pipeau - en plein jour, en plein été, dans un petit bourg au fin fond anatolien. Elle ne connait le feu monsieur le voisin ni d'Eve ni d'Adam et ne connait pas plus les coutumes de l'endroit.

 

La "silhouette" fantômatique est la fiction, la part fantastique qui explique les ancolies : elles ne sont pas des fleurs de la steppe sud-anatolienne et le religieux les a vraiment cueillies auprès de la tombe.

 

Et franchement, c'est intriguant... Encore plus à la veille de la Toussaint, cette rédaction donne des frissons dans le dos...

Brr ! 

 

Et c'est aussi une manière de rendre hommage aux défunts.

 



01/11/2012
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