Haruki MURAKAMI Le passage de la nuit (titre original After Dark)
Le livre choisi par ma patronne de lecture d'été Naji-san entre dans la catégorie des livres de filles avec comme condition personnelle : le choix. Vaste choix, il faut dire, car sans contrainte : j'ai donc opté pour un auteur jap', tant qu'à faire !
Comment passe-t-on la nuit ? Et surtout qu'y a-t-il d'intéressant à dire ? Quel en est le rythme ? Qu'entendons-nous, que voyons-nous, sentons-nous dans la nuit ? Des peurs ancestrales ou la rassurante chaleur du sommeil ?
Murakami-sama nous le fait vivre via deux soeurs Eri et Mari. Eri dort à poings fermés, sur les deux oreilles, d'un sommeil de plomb. Elle rêve ou pas, nul ne le sait, du moins si on lit le livre, sauf qu'elle n'est pas dans un cycle de sommeil passif. En effet, il se passe des choses dans sa tête et même dans sa chambre, et dans la représentation de sa chambre qu'elle se fait dans son esprit : l'auteur matérialise ces actions par un moyen si simple – dont on reviendra plus tard...
C'est donc un roman simple avec un contraste entre sommeil et éveil soit l'action d'Eri et la réfexion de Mari, chacune sur leur propre avenir et se basant sur le passé d'idol d'Eri et d'étudiante de Mari. Eri cherche activement à sortir de sa condition tout en dormant ; Mari en y réfléchissant et parlant. Agir ne signifie pas réussir, rester passif ne signifie pas délaisser. Chacune de ces deux parties sont le tout d'une marche à suivre.
Trop compliquée, l'explication ? Alors, en d'autres termes, parler et agir, c'est jamais l'un sans l'autre, pour bien faire les choses !
Personnelement, je trouve que l'auteur ne dévoile pas assez ce qui se passe dans le sommeil d'Eri. On y voit un homme sans savoir qui il est ni ce qu'il représente, comme une ombre indéfinie ; puis la pièce d'où Eri change de place mais pour quoi faire : montrer son désarroi face à la vie ? Non, je reste sur ma faim ! Peut-être est-ce l'effet voulu par Marakami-sama : un sommeil, c'est flou, on ne sait pas ce qu'on y fait, on s'en souvient que par bribes souvent sans queue ni tête !
Quant à Mari, c'est le contraire : on apprend peu à peu, selon le rythme des conversations, des fragments précis de la vie – et de son devenir – de la jeune fille, qui reste quand même mystérieuse, et que l'on compare inconsciemment à celle des gens qu'elle rencontre.
Au final, ces deux soeurs sont les deux parties d'une même âme (on en revient au tout formé par la réflexion et l'action.)
L'unique qui se divise pour se reformer se retrouve aussi dans la construction du roman. D'abord la ville en vue aérienne (un gros ensemble) puis les quartiers dessinés plus précisément, avec la position de Mari et d'Eri ; on finit dans le sens contraire, comme à reculons. Un peu comme des plans de vue cinématographique dans un livre... D'ailleurs le narrateur semble être une caméra qui avance dans l'espace.
Ensuite le découpage des chapitres se passe comme dans un feuilleton tv, où une soeur agit par chapitre et par tranches d'heures, ou presque car les autres personnages ne sont là que pour entourer Eri et Mari malgré qu'ils aient une grande liberté et une vie encore inconnue, l'ensemble étant rassemblé dans le livre physique.
Et après ça, prendre une tasse de café noir et mettre 'Five Spot After Dark' de Curtis Fuller (comme chaque lecteur, je parie) sur le pc et attendre de voir ce que la nuit va me rapporter, le temps de lire ce roman-là. Est-ce une lecture de fille, ce titre ? Au vu de la jacquette, oui ; du sujet, oui, du genre philosophique, des questions que je ne me poserais même pas ; «mais qu'avez-vous donc à vous prendre la tête, les filles !» Aïe – tiens ça faisait
longtemps... Naji-san me fait comprendre que c'est un homme qui est l'auteur : «Ah bon, c'est pas une femme ?» «Non, tu confonds avec les jacquettes des Ryu Murakami.» «Elles sont très belles... Aïe.» «Ce n'est pas la question.» Et donc il est assez sensible pour aborder ces sujets-là. «Serais-je une brute, ah bon ?» «A demi, à demi...» «Quoi, quoi...» «Tu es fatigué. Va dormir !» «Et dire que j'avais une bonne conclusion – aïe.»
fait parti : 2011