A la Lueur du Lampadaire !

Le jour du Tournoi II

Les 12 chevaliers étaient les gardiens du royaume malgré qu'ils n'étaient plus en vie depuis des lustres. De vieilles divinités à vénérer. En leur honneur, Sa Majesté le Roi organisait donc un grand tournoi chevaleresque annuel.

 

Bien que Lord d'Astringale considérait cet évènement comme une façon détournée de recruter des troupes fraîches : les chevaliers vainqueurs y étaient accueillis avec leurs officiers et hommes de rangs, leurs écuyers reprenant la lourde tâche de chevaliers en leurs châteaux, il appréciait l'instant de sociabilité et de cercle de vie. 

 

- Dame Constance, vous avez que mal bichonné le destrier de notre maistre ! harrangua le secrétaire du Fort d'Oc e No. 

 

Alors Dame Constance accourait, petite courbette, puis brossait à loisir la soyeuse robe pommelée.

 

- Ce cheval va devenir roi de paresse s'il continue de connaistre cette douce caresse, fit remarquer le Lord qui, non loin des stalles, suivait cette scène avec intérêt.

 

- Dame Constance, qu'est donc cette crasse sur ces épées ? Le plus horrible des palfreniers est plus apte que vous !

 

Alors elle se rendait au carré d'armes, courbette, puis lustrait au chamois les lames pourtant étincellantes qu'elle avait afflutées avec soin des heures durant.

 

 

Elle gardait un oeil sur les chevaliers et hommes de rang qui s'entraînaient aux joutes martiales sur le sol sablé de la cour d'armes. S'efforçant avec plaisir de retenir la geste avec exactitude, elle s'exerçait en pensée, puis en secret derrière l'écurie, souvent seule, parfois avec Monsieur le Frère du Lord, lui enseignant de nouvelles passes d'arme. Elle ne s'affligeait pas d'entendre les miasmes insultants des hommes d'armes qui jugeaient de son insolence.

 

 

- Le beau sexe doit avoir le contentement de divertir son seigneur et maitre !

 

- Et de faire la cuisinière...

  

- Sans la protection du seigneur Lord, même le dernier des hommes l'aura à sa merci !

 

- Elle est tout de même fille de noble ! Soyez moins méchant !

 

- Ha, ce n'est qu'illusion ! 

 

Enfin, le jour du tournoi apporta son moment, avec l'impatience et la fervence qui le caractérisait. L'ange des batailles - ou le démon - visita chacun des aspirants, âpres frissons sous l'armure de guerre ; il prit part aux effusions de la foule et aux honneurs de la noblesse. C'était jour de fête et de mort, c'était explosion de prestence et de violence : la vie allait bon train.

 

Les chevaliers et leurs écuyers paradaient dans leurs fiers atours et virevoltaient tour à tour avant de se prendre par la gorge - épée, lance ou hache à l'attaque. Chaque acteur du tournoi jouait à la perfection le rôle attribué, oubliant un temps querelles et médisances, renforçant alliances et ritournelles. 

 

Dame Constance se tenait à quelques pas en arrière de son seigneur, la tunique aux trois lions d'or rampants habilement ajustés à la taille. Sage, elle laissait l'honneur de la parade à ses compagnons d'armes ; en revanche, elle tenait la garde de son épée, arme qui désignait son propre honneur d'écuyer, d'une poigne si féroce que les jointures des doigts blanchissaient dans la douleur.

 

Les joutes furent lancées, les exclamations de la foule firent délirer ; le fracas des armes et les grognements des guerriers emplissaient l'espace ; la rage expensive de Monsieur le Frère du Lord saturait l'air.

 

- Quoi, Messire Marignand, on s'abstient de relever mon défi ? Quel bon couard estes-vous devenu !  

 

- Vous estes un incorrigible, Monsieur ! Je ne me jette point dans la gueule du loup énivré que vous feistes !

 

- Je ne suis point loup ! Je suis lion !

 

- Allez donc boire de l'eau claire plutôt que votre vin aux arômes d'arrogance, Monsieur ! riposta le chevalier lésé. 

 

Peut-être qu'il avait fallu plus d'heures et de journées entières pour guerroyer à petit feu et festoyer de grands crus; néanmoins, il en était dit le jour - unique - du tournoi. Les chevaliers étaient couronnées de leurs exploits auprès de Sa Majesté et les écuyers accédaient à l'adoubement tant désiré pour la gloire de leurs seigneurs.

 

- Place aux chiens ! Qu'ils se battent dans l'honneur et le courage !

 

La place royale se fit nette de tout intrus : les écuyers avancèrent en ligne devant la tribune et saluèrent Sa Majesté le Roi et la cour royale.

 

- Bel ensemble, commenta Lord d'Astringale. Aurions-nous autant de spectacle que vous nous n'aviez omis de nous délecter, Monsieur mon Frère ? 

 

- C'est jour de gloire, Mon Seigneur. Chaque adversaire prendra soin d'abattre son vis-à-vis avec la loyauté et le courage qui définissent le code chevaleresque !

 

- N'en soyez point offensé, Monsieur mon Frère. Malheureusement, votre idéal fait bien défaut ce jour d'hui.

 

Monsieur le Frère du Lord se leva tel un diablotin et se mit à brailler :

 

- Nom de nom ! Malheur à v...

 

- Il suffit, mon frère ! interrompit brusquement le Lord, un brin agacé. N'en prenez point ombrage ! C'est simple : c'est son combat ! À l'instar de ses compagnons...

 

Un cercle d'hommes en armes à l'unisson se forma autour de Dame Constance qui, dans cette prison humaine, se mit en garde, épée au poing.

 

- Venez danser...

 

 

 ***

 

Des mots, une histoire #81 avec les mots suivants : pensée – visiter – vieille – trois – acteur – désigner – simple – eau – beau  – connaître – miasmes – gorge – prison – entendre – loisir – cuisinière – moment – être (verbe) – effusions – dernier – se rendre.

 

 

Un peu d'explication :

Je ne sais guère le style de langage de l'époque des chevaliers - j'ai pas le courage de chercher dans mes livres. Donc j'improvise... ^^, De même, est-ce que les écuyers/pages possèdent une épée à eux ? Je sais qu'ils prennent grand soin de celle de leur maitre. 

Je me doute qu'il y a des redondances, des expressions inexistantes et des phrases confuses. Mais ce n'est pas de ma faute : c'est l'époque qui veut ça : trop ancienne, trop loin, oubliée, trop obscure, trop confuse, féodal... 

 

Le nom du fort vient du nom de Richard Coeur de Lion, dit Oc e No en français : c'est un surnom comique donné par Bertran de Born, chevalier troubadour, qui signifie "oui et non" et illustre l'humeur très changeante du roi. En réalité, le fort n'a pas de nom propre à lui, c'est le fort de Moulineaux où ce fameux roi y vécu un temps.

Ce n'est qu'après que je réalisât que j'aurais du user du mot "duc" plutôt de "lord" ; je pensais plus à l'Angleterre... Tant pis, ça fera plus fictif.

 

Je ne savais pas comment intégrer les mots "acteur et cuisinière" : j'espère y avoir réussi mon tour de passe-passe.

Orthographe : Est-ce qu'il y a un "s" à "trois lions d'or_" ? Je ne pense pas ; mais je me mêle toujours dans cette expression-là ! Couramment utilisée en plus !...

 

 

1ère partie : Le jour du Tournoi 

3ème partie : Le jour du Tournoi III 

 

 

 

Bonne lecture ! 




14/11/2012
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